Ashtanga Vinyasa Yoga : du souffle vers l’Unité

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En Ashtanga Vinyasa Yoga, se fondre dans le mouvement du souffle et recréer un état d’unité

Cette pratique dynamique représente extérieurement tout à fait la condition humaine, active, bruyante, diversifiée.
Mais la méthode incite à suivre le mouvement de réintégration vers l’unité préconisée dans le Samkhya.

Cette méthode invite à l’attention l’écoute de ce qui est fait, à l’instant où cela est fait.
L’accent est mis sur la conscience totalement investie dans le corps.
Cette attention à ce qui est, cette harmonisation, apparait aussi dans la préconisation d’unifier diverses fonctions du corps (mouvements, immobilité, respiration, sensations, pensées) ce qui peux créer un espace sans divisions, ou toutes les formes de manifestations qui constituent l’individu, se refondent, se dissolvent dans leur source : l’unité.
Le corps reste ce qu’il est : mouvement et expression et il révèle en même temps sa nature silencieuse, transparente et éternelle. Dans cette pratique l’unité est l’état sous jacent, où le dynamisme prends sa source.
C’est une voie directe.
Cela surgit sans l’intervention de la volonté (qui est issue de la pensée, la personnalité) quand les conditions sont réunies.
Réunir les conditions favorables à ces espaces de grâce, demande rigueur et attention.
Le système élaboré par Pattabhi Jois est une discipline qui permet la nature éternelle d’émerger du mouvement.

Cette méthode s’inscrit dans un processus codifié de réintégration vers le silence, un rituel codifié et en même temps propose une voie directe, de l’ordre de la spontanéité de l’expérience du silence, de l’unité, il est extase, expérience directe.

Les manières :

– purification et intériorisation des perceptions
Les premiers bénéfices apportée par la pratique de l’Ashtanga Vinyasa, est l’aspect de purification du métabolisme par le l’exercice corporel, qui élimine les toxines, équilibre le système nerveux, et oxygène l’organisme.
La respiration recommandée, égale, légèrement sonore et profonde provoque une mise à distance des perturbations émotionnelles (qui sont à l’origine de beaucoup de mouvements intérieurs)
L’exercice de l’attention à sa position dans l’espace (proprioception = sens du touché interne) pendant des déplacements ou dans l’immobilité réveil en chacun une sensibilité à soi plus fine. L’alternance de ces phases mouvements immobilité, exerce le sens du touché à se tourner vers soi (Pratyhara) avec de plus en plus de subtilité, si l’on veut réaliser les postures proposées, en respectant les consignes données.
Pattabhi Jois cite la Kartha Upanishad :
« Le Yoga est considéré comme le réparateur constant des sens »

– les éléments essentiels

Globalement la méthode de l’Ashtanga est favorable à une forme de perception directe, par sa rapidité d’exécution, des consignes simples et peu nombreuses qui sollicite peu le mental, par son mouvement incessant et rythmé qui ouvre un état de fonctionnement cérébral subtil, et par sa respiration qui favorise le calme et la détente …
Les consignes sont en générale assez simples sur la forme, mais de ce fait essentielles.
Les positions des pieds, des mains, des points d’appuis en général, (stiram).
Possibilité grâce au travail en phase dynamique, de développer une relation non séparée avec son environnement (le sol, l’espace …) et une relation directe avec les résonances internes.
Des zones précises du corps, sont mises en relation de façon parfois inhabituelle, utilisées de manière spécifique.
Comme par exemple, le Dhristi sur le bout du nez, la plante des pieds appuyée sur le sternum, ou la langue qui crochète un appuis des les flexions arrières.
Dans certaines conditions, physiologiques émotionnelles et mentales, ces dispositions corporelles ont la capacité de faire percevoir la réalité vibratoire sous jacente.

L’accent systématiquement est mis sur la respiration, et même si rechaka puruka, ne se limite pas à l’inspire et expire, la respiration physiologique en est une dimension. Cette amplitude et cette égalité respiratoire recommandée conditionne et provoque un état de détente.
La détente est un aspect de la posture subtile qui a des implications à tous les niveaux matériels et qui favorise un état de communion avec ce qui nous entoure, la sensation de non séparation. (Sukham)
Les crispations physiques, ou psychiques sont mises en évidence dans les postures et c’est donc une opportunité de les voir, de les dissoudre.
La façon habituelle que l’on a de regarder, d’écouter, de sentir (etc..) est plus un effort de tension vers un objet, un élan d’appropriation, qu’une écoute, un accueil attentif.
Non seulement cela déforme notre perception de la réalité, mais cela entraîne aussi des crispations sensorielles qui atrophie nos sens.

La plupart du temps nous remplaçons la perception par la verbalisation. Les sensations ne sont pas vécue intacts mais verbalisées, interprétée, mises en relation avec des souvenirs.
Laisser intact les perceptions sans réagir émotionnellement ou mentalement, dans le silence, c’est établir une relation directe et réaliser une union, ou il n’y plus personne, qui perçoit, ni rien à percevoir.
L’accent peut être mis dans cette direction pour rendre aux sens leur disponibilité, leur capacité à la relation directe avec les objets (Prathyara).
Le corps dans l’Asana peut être vécu soit comme une entité, soit comme un ensemble de parties.
Il peut être soit verbalisé, mentalisé, soit perçu directement.
Se débarrasser de l’à priori, sur son corps, la pratique, la respiration.

Puraka Rechaka étant aussi, la respiration cellulaire, un état d’expansion, de rétraction allant au delà du corps solide, elle pourra être ressentie comme l’expression de la pulsation cosmique. Ne pas limiter mentalement ce pranayama à la simple respiration physiologique, c’est se donner l’opportunité à cette pratique d’imposer sa nature plus grande, plus puissante de pulsation vitale. Si nous ne limitons pas par nos pensées, notre volonté, si nous nous laissons guider par ce mouvement, cette pratique mise en mouvement, nous guidera vers toutes ses acceptations que nous ne soupçonnons pas consciemment.

Au fur et à mesure de la pratique des Asana et des Vinyasa nous pouvons observer les effets suivants :

(1) Amélioration des organes d’action (corps physique) la santé (Karmenindrya)
(2) Raffinement de la perception. La sensibilité (Jnanendrya)
Ces deux premiers stades développent :
(3) La discrimination qui, en retour, va améliorer leur collaboration pour perfectionner encore la pratique. (Manas)
(4) Dès lors, attention et énergie coulent harmonieusement et sans interruption dans tous les canaux du corps de manière à la fois centrifuge et centripète. (Ahamkara)
(5) Enfin, un état de joie pure est ressenti dans toutes les cellules et l’esprit. Corps, esprit et âme ne font plus qu’un, manifestant ainsi au stade d’asana les états de Dharana (concentration) et Dhyana (méditation). (Buddhi)

Les moyens :

– Prise de conscience de l’unité des mouvements du corps, de la respiration et du souffle
Le compte oblige l’esprit à être conscient de chaque inspire et de chaque expire.
Rappel d’un mécanisme autonome, subit à devenir conscient, action, à se rendre compte de ce mouvement incessant et bruyant, et d’en pénétré le processus ;
Cela crée une faculté d’attention et d’écoute, dirigée vers la nature profonde du souffle (prana) qui est à l’origine de cette respiration.

La régularité des respirations, la respiration Udjayi
L’inspire et l’expire sont de durée égal, sans rétention (Udjayi). Cela produit un son guttural doux et constant qui crée une vibration dans le palais. Cette respiration assure une ventilation profonde et une gestion optimale de l’énergie.
L’égalité de la respiration est un parti pris dans la méthode de Pattabhi Jois, qui va inciter le pratiquant à respecter toutes les phases du vinyasa, et favoriser l’harmonie, la tranquillité et peut être un forme de méditation en mouvement.
Dans ce mouvement méditatif, il est possible de se fondre dans ce bruissement régulier qui est produit par le frottement de l’air dans la gorge, et ainsi résorber ce bruit dans sa nature sous jacente.
L’attention et la stimulation portée sur cette zone stimule le Cakra concerné (Vishudda), qui est la vibration la plus subtile du corps et la porte vers un niveau de conscience plus globale.

– L’attention constante portée à la liaison mouvements/respirations révèle l’identité de la nature des ces mouvements.
La réalisation de manœuvres fines et précises que sont les Bandha et les Dhristi, combinés aux mouvements du corps et de la respiration, révèlent la réalité du corps subtil constitué de l’énergie vitale.
Les mouvements sont initiés par la respiration qui est elle-même la manifestation la plus directe du souffle,
L’esprit en suivant le souffle (réalisation des Bandha et des dristhi) va se lier plus intimement au corps et chaque partie du corps irriguée et nettoyée par le souffle va accueillir l’esprit. C’est ainsi que le vinyasa unifie les différentes réalités de notre physiologie.
Les différentes réalités corporelles peuvent vibrer en harmonie, sur divers tonalités (les postures) pour se résorber dans l’Un.

le Yoga Mala décrit un arrangement spécifique des postures et la façon de les aborder et de les quitter.
Cette exigence répétitive et rigoureuse est une auto éducation, une façon de mettre Citta au repos (plus rien à choisir, décider, évoquer, préférer, rejeter, prouver) et ainsi peut laisser l’espace-temps nécessaire à l’expression du Prana.

En abdiquant toute forme de volonté de « Je pratique », en en acceptant librement d’appliquer une structure imposée, il est possible de laisser « ce qui est plus grand que soi » de s’exprimer.

L’acceptation de la rigueur de cette trame, est une abdication sans restriction à sa nature réelle, l’abandon exprimé par toutes les dimensions du corps de l’illusion d’être un individu séparé, autonome.
Alors cette pratique apparemment austère et autoritaire, deviens extase et célébration du silence en soi.
C’est l’expérience directe qui surgit.

– un espace sans division, ni temps
Les exigences nombreuses et précises du Vinyasa poussent le pratiquant à une conscience à la fois de la globalité de son corps (et de son mental) et en même temps de chaque partie de sa personne de façon très précise.
Quand la capacité d’attention, et de focalisation est suffisante, cette conscience systémique et analytique simultanée s’établie. La perception de soi peut alors s’élargir, et s’affiner, ouvrant de nouvelles perspectives.
Une compréhension directe du corps, de ses composants de son organisation et de son interaction avec le monde s’impose.

La densité d’un corps différencié peut s’effacer dans la sensation d’être une « énergie » en action, une expression vivante du silence.

Dans les postures ou les mouvements, l’apparent besoin de souplesse, s’effacera grâce à l’écoute dans la sensation de l’espace crée dans les articulations.
Chaque partie du corps est sentie comme vibration en résonance avec le reste.
La succession ininterrompue et rythmique, alternant les phases dynamiques et statiques, tout d’abord succession temporelle, vécue en pleine conscience se résorbent naturellement dans l’immobilité dynamique de l’observateur silencieux.
En s’immergeant dans ces rythmes, en portant son attention sur l’inséparabilité des mouvements, des respirations, la continuité dans l’alternance, il est possible de se libérer de la linéarité du temps et d’en saisir l’essence.
Dans certaines pratiques, il est question de saisir le vide dans les intervalles.
Mais ce qui est proposé dans le Vinyasa, c’est de discerner l’instantanéité, à travers la discontinuité apparente, le silence comme nature du dynamisme.

La répétition consciente
Les pratiques de Yoga ont été crées à partir la vision du monde décrite dans le Samkhya, pour explorer le chemin de réintégration.
Les Rishi, ont établi les mouvements et les postures pour permettre aux formes denses entraînées dans leur déséquilibre de retrouver leur résonance avec leur origine.

Dans cette perspective d’exploration du réel, on peux choisir de partir de ce qui existe ici et maintenant.
La pratique posturale doit donc se réaliser en fonction de la nature des
« déséquilibres » de chacun et dans l’acceptation totale de ses limitations.
Dans la tradition Guru disciple, la réalisation des postures va être guidée par un observateur avisé, capable de voir les ruptures, les dysharmonies et les voies de résolution.
Certaines formes de Hatha Yoga ont établi des schémas idéaux d’organisation posturale qui sont censés « aligner » et harmoniser les divers plans de manifestation.

La prise « spontanée » d’une posture va exprimer les déséquilibres physiologiques et psychiques ; Il sera alors possible de ré- harmoniser les divers plans, par une observation attentive, une intervention extérieure, une écoute et surtout une quantité suffisante de pratique ……
Dans la pratique de l’Ashtanga Vinyasa Yoga, les postures sont décrites sans grande précisions.
Il n’y a que quelques indications sommaires qui vont être données pour baliser les contours de la posture physique, des mouvements mais l’accent sera plus mis sur le regard, les ligatures internes, la respiration, la façon d’aborder, de rester et de quitter la pose (Vinyasa) et l’intention (autre aspect du Vinyasa).
L’effet attendu des postures sera engendré par la répétition de plus en plus consciente des séries de postures, qui va par un processus mécanique ouvrir des possibilités de transformer les déséquilibres de départ.
Il est dit qu’une fois le déséquilibre des Guna déclenché en Prakriti , la manifestation se déroule suivant un processus mécanique. Il semble logique que les voies de retour à l’équilibre comportent aussi au moins une dimension mécanique, comme tout ce qui se passe dans la manifestation.

Il semble que vu la diversité ou se situe le pratiquant, les chemins comportent de nombreux embranchement et les risques de se perdre sont une possibilité.
Mais peut on vraiment se perdre si comme le disent certains, tout est Un ?