Le Corps du Yogin

Posté le Posté dans Actualités, Ashtanga Vinyasa Yoga, Théories Des Pratiques

Le Hatha Yoga se pratique avec un corps de Yogin……

Article de Colette Poggi

La notion de corps impliquée dans le yoga peut nous surprendre, elle diffère de celle, limitée au corps physique, que notre culture occidentale véhicule habituellement. Mais à quoi bon explorer ces étranges « manières de voir », si éloignées dans l’espace et le temps?

Précisément parce qu’elles nous entraînent dans un univers autre, aux intuitions fécondes. Se mettre à leur écoute nous introduit dans la prodigieuse richesse des cultures anciennes, nous ouvre ainsi à une part d’humanité souvent oubliée mais cependant infiniment précieuse pour mieux comprendre notre rôle dans l’univers.

Vers un autre modèle du corps
Plus particulièrement pour les yogin, l’intérêt d’une vision différente du corps réside dans les transformations insensibles qu’une nouvelle perception peut induire dans sa présence au monde. La manière d’aborder la vie ne dépend-elle pas en grande partie des représentations que nous avons du corps, des modèles de la conscience, de l’univers, de la vie… qui nous habitent, souvent à notre insu ? En agissant au cœur de notre vie intérieure, ces notions-clés donnent la tonalité de notre existence, et orientent notre manière de s’aventurer dans l’expérience de la vie. C’est pour cette raison que les multiples visions du corps développées par les sages, les yogin, et tous les chercheurs d’harmonie en Inde, nous concernent au plus haut point ; elles véhiculent en effet un message capable de renouveler notre approche de la vie car, par-delà les siècles, elles nous parlent de nous-mêmes, au présent, dans un langage imagé, compréhensible pour tous, dépassant les modèles superficiels et mécaniques du corps « organique ». Ces intuitions furent exprimées (en sanskrit essentiellement) dans le cadre de nombreuses lignées, grâce à des yogin soucieux de transmettre leurs approches de la vie, ainsi que des techniques de libération, afin de lui donner toute sa plénitude. Ces visions nous apparaissent étonnamment actuelles, dans la mesure où, non seulement, elles posent des questions profondément humaines, mais présentent maintes convergences avec les plus récentes avancées scientifiques, en neurosciences par exemple, concernant la structure ultime, vibratoire, du réel, ou l’interconnexion au cœur des phénomènes.

Creuset des énergies cosmiques et divines, pour un être de passage
Une telle pertinence ne peut nous laisser indifférents, car cette compréhension du vivant dans sa complexité apporte du sens à notre maison-corps, et notre présence au monde s’en trouve plus centrée et ouverte à la fois. Être mieux ajusté à soi, en soi, rend possible l’éclosion d’un climat de créativité et d’accord avec la vie englobant le corps-souffle-conscience et le monde. Voie d’accomplissement, d’épanouissement et de détachement, tels sont les aspects complémentaires que vise le yoga, plaçant l’espace du corps au cœur de ses pratiques et de ses doctrines. Conçu comme un vaisseau de vie, le corps est célébré à la manière d’un sanctuaire microcosmique, creuset des énergies cosmiques et divines ; mais l’un comme l’autre, la vie et le corps ne sont pas vénérés pour eux-mêmes, car ils ne sont de l’ordre ni de la possession ni du définitif. L’être vivant est par nature un être de passage un hôte (atitbi) au double sens du terme : il est une structure qui peut recevoir la vie, la conscience, le souffle et il est reçu dans la grande Vie de ce monde, tel un passant ! Comprendre la nature véritable de cette architecture microcosmique constitue pour le yogin un chemin de libération, cela seul lui permettra de mettre en œuvre la jonction (yoga) fondamentale, de sa vie individuelle à la Vie universelle. Cette brève approche du corps dans la pensée indienne sera abordée à travers trois aspects essentiels, et illustrée par trois représentations empruntées à l’iconographie et à la statuaire indienne.
•   Le corps, tissage de souffle-rivières (nâdî) en résonance avec la représentation du corps subtil, irrigué par les vaisseaux véhiculant le prâna.
•   Le corps, espace rayonnant, mandala de la danse des énergies, symbolisé par Shiva-Natarâja, le danseur cosmique, déployant la quintuple activité.
•   Le corps, arborescence infinie et lumineuse suggérée par le Bouddha de Sarnath (de style Gupta).

Le corps, tissage de souffle-rivières (nâdî)
« Comme une feuille irriguée par les filaments de ses nervures, notre corps est tissé de fins vaisseaux dans lesquels circule le prâna à l’état subtil. Dans ce réseau se forment des roues (cakra) où prennent place les transformations de l’énergie. »
Svacchanda Tantra

Le corps, cascade étagée de prâna
L’aspect le plus frappant de l’approche du corps en Inde se résume en deux mots : flux et trame. Ces concepts imagés véhiculent l’in-tuition-sensation d’un corps plus profond que le corps de chair : cette dimension sous-jacente au corps physique (sthûla-sharîra), nommée corps subtil (sûksbma-sharira) forme une structure harmonieuse de canaux vibratoires où ruisselle le prâna (souffle de Vie cosmique).
Un invisible ensemble de flux, tissé d’énergie et de conscience, circulant à travers ce réseau de 72 000 nâdî, ou veines subtiles, en un mouvement incessant, telle est la perception que le yogin a de son propre corps. Il arrive parfois que ce réseau d’irrigation de souffle-énergie connaisse ici et là des blocages provoquant l’ankylose, le sentiment d’isolement, la dispersion mentale, etc., et de là une sensation d’incomplétude et de finitude. Le corps est alors évoqué comme « masse de tensions », d’ignorance, de mal-être ; et l’âme individuelle (jîvâtmâ) se perçoit dès lors comme prisonnière d’une cage fictive. Le rôle de cet imaginaire du corps tissé de flux est d’attirer l’attention sur la dynamique inter-connective qui préside à la vie, et de remédier aux ruptures, aux coagulations, aux inerties. Il s’agit également de se mettre à l’écoute du ruissellement harmonieux qui s’écoule dans les nâdî ce terme dérive du verbe NAD, résonner, vibrer. Cette écoute n’est pas d’ordre acoustique, elle révèle le chant inaudible du silence qui vibre de manière ininterrompue à la source de la vie.

Sushumnâ, axe médian, du corps subtil.
II faut se souvenir du rôle du prâna dans l’univers pour prendre conscience de la puissance de cette image : le souffle vivifie, anime, coordonne, met en relation toutes choses et dans l’univers et dans le corps. Le yogin est ainsi amené à concevoir son corps comme une trame ondoyante, tissée de vibrations de diverses densités où circulent les influx cosmiques. Les diverses pratiques relatives aux postures, au souffle, à la concentration, etc. visent la remémoration et « réparation » de ce maillage incluant toutes les cellules sans exception. Le yogin sculpte son espace intérieur sur fond de silence, métamorphosant l’inertie d’un souffle coagulé en ruissellement de joie. Se posant dans l’axe médian du corps subtil, la sushumnâ, il se découvre comme espace vivant, centré, apaisé, heureux ; ces divers termes correspondent au mot sanskrit sukha, qui décomposé signifie su- bien kha centré, ou heureux. La perception intérieure de l’énergie du prâna apporte un sentiment d’unité, d’harmonie vivante.

Architecture mémorielle, tissée dans la trame vibratoire de la création cosmique
Si l’on observe le schéma des nâdî on observe ainsi un axe central qui a été mis en correspondance avec l’axe du monde, le mont Meru [prononcé Mérou], comme l’évoque le passage suivant de la Shiva-Samhitâ.

« Dans le corps se dresse le Mont Méru
Entouré par les sept continents
Les rivières, les mers, les montagnes, les plaines…
Les prophètes, les moines, les lieux de pèlerinage,
Les étoiles sont là, les planètes Le soleil et la lune.
Là se trouvent aussi les deux puissances cosmiques
de création et de dissolution
Tous les éléments, la terre, l’eau, le feu, l’air et l’éther
Oui, en vérité ici, dans ton corps, toutes choses sont encloses,
qui existent en ces trois mondes.
Celui seul qui sait cela est un vrai yogin.
 »
Shiva-Samhitâ II
Ainsi le corps exercé par le yogin ne correspond en aucune façon à un corps-machine, mais bien plutôt à un hologramme vivant, sensible, ouvert car interagissant avec le monde et les êtres qui le peuplent, suscitant en lui-même des créations diverses (pensées, mémoires, imaginations, impressions…) qui demeurent comme engrammées dans ces rivières de souffle. On nomme vâsanâ, « vestiges » les empreintes résiduelles qui subsistent à l’état non-conscient dans le corps subtil. La vertu première de cette représentation du corps tissé de souffle-rivières, est de susciter le sentiment de sa vie propre comme un espace non-clos, unifié, au diapason de l’univers, animé d’un mouvement interne reliant toutes les instances de l’être. Si la multiplicité des rythmes et des formes est intérieurement ressaisie dans l’unité, le corps-souffle-conscience peut offrir une halte, au sein même de l’océan tumultueux du devenir, le samsara. Dans le cas contraire, la souffrance prévaut, comme l’expriment de façon poignante ces deux versets de Charles Juliet :

« Quand l’être est scindé, il crie, il se traîne, gâchis, grisaille. Quand il est un, il jaillit dam la lumière. »
Charles Juliet, Afifûts 1990.

L’espace intérieur, tissé de souffle-rivières, conduit à une vision du corps plus unifiée et vivante. Elle est le préalable à la conception du corps déployant sa danse des énergies dans l’espace du monde. Des théories de l’espace dans le corps, à celles du corps dans l’espace, on note une évidente continuité qui correspond de toute évidence à l’expérience des yogin.

Le corps dansé, espace rayonnant des énergies universelles


« En lui (Shiva) sont tissés le ciel et la terre, l’espace intermédiaire, la pensée, le souffle… » Shivayogaratna

Cette statue du XIème siècle représentant Shiva Natarâja, le danseur cosmique, dévoile une conception du corps où la vibration et le rythme jouent un rôle primordial. Ici, le corps du danseur déploie son activité sous l’effet d’une surabondance de plénitude faite de conscience-énergie, telle est la vision originale des philosophes du Cachemire médiéval dont le plus connu est le grand mystique et esthéticien Abhinavagupta (X-XIèmes). Nombreuses sont les cosmogo-nies nées dans les multiples cultures du monde ; les tântrika cachemiriens ont quant à eux imaginé un dieu qui danse l’univers, à l’intérieur de la trame lumineuse de sa Conscience infinie. Les espaces intersidéraux se déploieraient selon cette école sur fond de Conscience divine, comprise comme Lumière-Energie par delà le temps et l’espace, dotée d’efficience illimitée.

L’espace, comme chemin ouvert, sillage de lumière
La notion d’espace lumineux est fondamentale dans l’imaginaire indien ; on la trouve dès les Veda, associée à l’acte d’ « ouvrir » l’espace nécessaire à la vie, un acte que les dieux accomplissent au moyen du Souffle. Selon le Shatapatha-Brâhmana 1.4,1, 21-23 « alors que le ciel et la terre étaient contigus, les dieux désirèrent plus d’espace, ils respirèrent à travers les trois mondes en prononçant les trois syllabes vî-ta-ye ». Ce terme est le datif de vîti, terme sanskrit ici au datif, signifiant « en vue de la réjouissance ». C’est alors qu’apparaît un chemin de lumière.

Espace rime avec joie, étroitesse avec malaise.
L’expérience heureuse (sukha) du corps dans l’espace, comme celle de l’espace dans le corps, est associée à la mise au large, contraire de l’étroitesse, liée à l’angoisse (dérivant d’angusta (latin) « étroit »). La danse de Shiva Natarâja est elle-même un antidote de l’espace étriqué, figé, clos. En accord avec ce sentiment du libre espace éprouvé par les êtres libérés, le poète Rainer Maria Rilke a évoqué de manière inoubliable dans les Elégies de Duino « l’Ouvert » comme dimension de pure créativité, d’énergie pure et infinie. Il déplore l’impuissance de l’homme, trop encombré par « le monde », à vivre hors des limites étroites de ses représentations :
« De tous ses yeux la créature voit l’Ouvert (…) lorsqu’elle avance, elle avance dans l’Eternité, comme coulent les sources. Mais nous, jamais, pas un seul jour, nous n’avons devant nous le pur espace, dans lequel les fleurs infiniment s’épanouissent. Toujours c’est le monde et jamais ce qui n’est nulle part et que rien ne limite : le pur, l’insurveillé, que l’on respire, que l’on sait infini et ne convoite pas. »

Pour laisser s’épanouir la vie enclose en lui, le corps-souffle-conscience doit pouvoir laisser danser spontanément les énergies de l’univers présentes en lui. Comme le taoïsme, le Shivaïsme cachemirien considère cette capacité, signe de liberté, comme ultime accomplissement de l’existence.

La danse de Shiva, symbole de la quintuple activité


La danse de Shiva est associée, dans le Shivaïsme non-dualiste du Cachemire, non seulement à la triade d’énergies création-conservation-dissolution, mais à la quintuple activité intégrant cette triade classique, et à laquelle se rajoutent les puissances
de voilement et de dévoilement. Une symbolique des gestes et postures est traditionnellement associée à ces cinq énergies :

  • La création est suggérée par le da-maru (petit tambour) tenu par la main droite.
    • La conservation est associée à Vabhayamudrâ : geste de la non-crainte exprimé par la seconde main droite.
  • La dissolution et la régénération sont symbolisées par la flamme qui danse dans la main gauche.
    • Le voilement est représenté par Apasmâra, le démon de l’Oubli (ou de l’ignorance de sa véritable nature), sous la forme d’un démon nain terrassé par le pied droit de Shiva.
    • Le   dévoilement   correspond à l’envol du pied gauche vers la droite, comme s’il montrait le chemin du ciel.

Ces cinq actions cosmiques accomplies par Shiva, compris comme la Conscience cosmique, ne sont pas chronologiques mais simultanées. Elles ne sont pas personnelles mais universelles et prennent place à tout instant de l’existence humaine. Le corps-souffle-conscience n’est-il pas un espace symphonique où coïncide une multitude de rythmes (cellulaire, sanguin, respiratoire, cérébral … ) ? Tous apparaissent, se maintiennent puis disparaissent sur fond d’un silence primordial, spacieux et riche d’infinies potentialités. Leyogin se met à leur écoute. Il prend conscience que tout danse et frémit dans l’univers, à l’image de Shiva Natarâja. Sans assimiler science et mythologie, il n’est pas impossible de percevoir, à dix siècles d’intervalle, des consonances entre certaines intuitions indiennes et des hypothèses scientifiques contemporaines, comme le suggère la théorie de l’hyperspace, par exemple.
« Selon la théorie de l’hyperspace, la matière serait faite de vibrations apparaissant dans le temps et l’espace. Il en découle cette fascinante possibilité que toute chose autour de nous, depuis les arbres et les montagnes jusqu’aux étoiles mêmes, ne soient que vibrations dans l’hyperspace ».
Hyperspace, a Scientific Odyssey through thé tenth Dimension,Michio Kaku, Oxford University Press, 1995.

On peut ainsi déceler dans l’image du danseur cosmique tissant les rythmes variés au sein de l’espace ouvert et libre, une métaphore du yogin vivant la plénitude de ses énergies, et participant ainsi à la danse cosmique de manière créative et spontanée. Dans cette approche le corps n’est pas perçu comme un obstacle, mais comme un instrument de réalisation porté à son achèvement grâce à la conscience-énergie.

Le corps d’éveil, arborescence infinie et lumineuse
« Immobilité du cœur dans la pure intériorité, qui se fonde sur la vigilance et l’énergie, mettant ainsi au diapason avec l’universel.» Asanga (IV-s.)

Le Bouddha de Sarnath, proche de Bénarès, datant des environs de 475 est assis en lotus (padmâsana) et forme avec ses deux mains le geste de l’enseignement ou de la mise en mouvement de la Roue du dharma (dharma-cakra-mudrâ). Tous les éléments (végétaux, posturaux, symboliques) suggèrent une dynamique subtile, spiralée, qui entraîne le regard du contemplateur dans un courant ascensionnel. Cette œuvre nous initie à une compréhension très élevée de la nature du corps et de la vie. L’approche symbolique de cet ensemble nécessiterait une longue étude, mais disons simplement que nous sommes invités à contempler dans cette œuvre le ciel sur la terre, l’union parachevée de l’homme et de l’infini, portant la vie à son plus haut degré. L’enracinement et l’élan, l’axe médian et son rayonnement, les triangles suggérés par les lignes de force : tout concourt à créer une impression d’espace ouvert et unifié où les contrastes, les dynamiques diverses exprimées par les lignes, renforcent l’harmonie. Telle est précisément la finalité des diagrammes symboliques, tels le mandala ouyantra. Les mots et les phrases possèdent ces mêmes qualités. Voici pour exemple un extrait du Lankavatarasûtra, évoquant les énergies qui irradient du corps de Bouddha à la manière d’un mandala :
« II fait rayonner son cœur bienveillant, épanoui, profond, dans une ou plusieurs directions. »
Quant au Dhigha Nikâya, texte fort ancien rapportant les paroles du Bouddha, il décrit l’éveillé plongé dans une absorption profonde (samâdhi) dont le corps est devenu tel un étang profond, alimenté par une source intérieure conférant la plénitude. « Ce bonheur accompagné de joie, né du samâdhi, inonde alors tout son être, tel un étang profond où l’eau jaillirait d’une source souterraine. inonde tout son être de ce bonheur dépouillerait de joie, dont la plénitude est pareille aux de couleurs variées, tout entier en l’eau. »  Digha Nikâya

Le Bouddha de Sarnath témoigne d’un état où mouvement et repos, plein et vide, intérieur et extérieur, samsara et nirvana sont égalisés. L’espace de son corps, qui semble tissé de la lumière bienfaisante de sa compassion, karunâ, intègre le monde. Le buddha-yogin puise dans l’énergie pure. A travers ce corps perçu comme un champ d’éveil, il semble écouter intensément, dans une détente parfaite, la vibration de la sève de Vie qui irrigue son corps-souffle-conscience.

Ces trois représentations du corps, mises en perspective avec les textes correspondants, peuvent offrir de véritables enseignements à tous ceux qui cheminent dans les diverses voies du yoga. Mes dévoilent une approche du corps profonde, subtile et généreuse, fondée sur l’expérience et visant la transformation de soi. Toujours à portée de perception, ce vaisseau de vie est considéré en Inde comme un champ idéal d’exploration, doté de conscience et d’énergie, capable de dévoiler en son essence le mystère de la vie décliné en ses dimensions physique, psychique et spirituelle, individuelles et universelles. Ce corps qui sans cesse se transforme, constitue une part essentielle de nous-mêmes. Certes on met des années à devenir soi-même. Mais loin d’être un obstacle, il peut, selon certains maîtres, être un bon compagnon, voire un maître, pour nous conduire à un plus haut degré de vie et de conscience. La nature fluide du corps subtil, tissé de souffle-rivières, ne le prédispose-t-il pas à devenir l’espace d’un passage, d’une traversée, qui sait, un jour définitive, du samsara ?
Considérée du point de vue de l’histoire des idées, l’approche du corps élaborée en Inde depuis les temps védiques constitue sans conteste un apport essentiel à l’humanité ; mais cela va plus loin pour les yogin car de telles approches ont pour but de transformer la représentation et le vécu de leur univers intérieur, améliorant ainsi le rapport à soi-même, à autrui et au monde.