Patañjali Mantra

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Invocation à Patanjali de l’Ashtanga Vinyasa Yoga

Mantra Ashtangi par Madonna

auṁ
vande gurūṇāṁ caraṇāravinde
sandarśita svātma sukhāva bodhe |
niḥ-śreyase jaṅgali-kāyamāne
saṁsāra hālāhala mohaśāṁtyai ||

ābāhu puruṣākāraṁ
śaṁkhacakrāsi dhāriṇam |
sahasra śirasaṁ śvetaṁ
praṇamāmi patañjalim ||
auṁ

La première partie est un vers du « yoga Taravali » écrit par Sri Shankaracharya (ou Adi Sankara un des saints les plus importants de l’Inde qui vécu probablement au VIII siècle, un maître de yoga d’Advaita Vedanta, une doctrine non-dualiste : Brahman est réel, le monde n’est qu’apparence, le moi individuel est identique à Brahman)
Le Yoga Taravali est loué par Krishnamaharya et Pattabhi Jois, il décrit en détail le processus de l’éveil grâce au yoga. Ce poème indique évoque aussi l’état d’éveil qu’a vécu Sri Shankaracharya lui-même.

Le deuxième vers est extrait d’une longue prière à Patanjali, d’origine inconnue (le roi Bhojadeva ?).Bhoja (Bhojadeva) était un roi philosophe et grand penseur de l’Inde médiévale, qui a gouverné le royaume de Malwa dans le centre de l’Inde d’environ 1000 à 1055, et qui fut un des commentateurs les plus célèbres des Yoga Sutra.
Ce verset évoque Patañjali comme l’auteur légendaire (imaginaire ?) de trois textes: le Yogasūtra sur le yoga, le «Grand Commentaire » (Mahabhasya) sur vārttikas Kâtyâyana portant sur la grammaire et un travail (anonyme) sur l’ayurveda. BKS Iyengar déclare que ces versets proviennent des commentaires de Bhoja sur Yogasūtrabhāṣya de Vyasa : le Bhojavṛtti (ou Rājamārtaṇḍa).
L’auteur présumé des Yoga Sutras aurait vécu pendant les premiers siècles après (ou avant) JC et n’aurait été nommé Patanjali qu’à partir du XIème siècle. Jusqu’au Xème siècle, un Patanjali est connu pour son traité sur la grammaire et un autre, auteur du Nidâna sutra (Aphorisme sur l’origine) qui porte sur le rituel védique.
Le fait que l’auteur des YS ne soit pas le même que le grammairien est aujourd’hui consensuel.

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Om vande gurūṇāṁ caraṇāravinde
Vande (honneur / louange / adoration) – Gurunam (les gourous) – Charana (pieds) – ravinde ([des] lotus)
Je m’incline aux pieds de lotus des gourou,

Dans la tradition Indienne, il très courant de commencer un propos en remerciant la source de la sagesse qui nous est transmise. C’est faire preuve d’humilité mais aussi cela est une manière de recevoir la bénédiction du Gourou et de manifester la confiance et l’application avec laquelle nous abordons notre pratique.
Les “pieds du Gourou” sont un symbole de l’ancrage fort , de gravité, du magnétisme puissant de l’enseignement que l’on suit. L’hommage rendu s’adresse à la tradition d’enseignement comme aux individus qui nous ont guidés et plus globalement à notre pratique assidue du yoga (le sadhana).
S’incliner « aux pieds de lotus du guru  » exprime l’humilité et la totale confiance de la part de l’être guidé vers l’illumination. (symbole du lotus : de l’obscurité vers la lumière)
Il y a ici la notion de pluralité : gourou, au pluriel est une forme rare du terme.
Le pluriel concerne deux choses :
Premièrement, le fait que beaucoup, beaucoup d’enseignants ont parcouru ce chemin avant nous.
Deuxièmement, nous marquons ainsi notre respect devant l’esprit du pluralisme : de nombreux enseignements, pour autant de sortes d’élèves différents. Dans le contexte de ce verset, nous nous inclinons devant un concept universel et particulier, pas une idole ou une divinité imaginaire de culte, mais le Gourou (celui qui guide de l’ombre (gu) vers la lumière (ru)) dans ses manifestations illimitées.
Cette tradition, de se prosterner au pieds d’un guru, a d’autres significations.
Le corps est polarisé, il a un pôle nord et un pôle sud, et lorsqu’on touche avec son front (Nord) les pieds (Sud) du gourou, le circuit est complet. Le pôle Nord et le pôle Sud ne font qu’un, un aimant spirituel. Toucher les pieds du gourou qui est spirituellement illuminé, dont la vie est saturée d’amour, donne la possibilité de ressentir sa charge d’amour, d’énergie, de force et de bonheur. Grâce à cela, la transformation intérieure peut être instantanée.
Les pieds du gourou sont l’abri stable et immuable ou nous pouvons nous réfugier à quand nous sentons les douleurs de l’existence.
En reconnaissant son Gourou, l’Adi Sankara (auteur de ce premier shloka de l’incantation) nous invite à suivre son exemple et ainsi pouvoir être, à notre tour, soigneusement et correctement guidés. L’étude du yoga est empirique, non intellectuelle, il est donc impératif de suivre un guide ayant éprouvé le yoga.

sandarśita svātma sukhāva bodhe sandarshita (mener à la vision / révélation)- sva-Atma (Soi – intérieur) sukha (le bonheur / la félicité, la joie) – ava-bodhe (se réveiller, de connaitre)
Qui enseigne la connaissance, éveillant l’immense bonheur de la révélation à soi-même.

Eveillant la joie du Soi révélé au delà de toutes comparaisons.
Ce verset nous signale le but ultime du yoga : réaliser (bodhe, celui qui sait) notre véritable essence (svatma : Soi). Sukha est habituellement traduit en tant que le « bonheur d’être stable ». Bodhe vient de la racine « bd» qui signifie « pour connaitre. » Ensemble, ils décrivent l’intention d’une pratique de yoga : la connaissance du bonheur, ou la connaissance de l’individu. Cela décrit l’éveil (bodhe) à la réalité d’être libre à chaque instant de l’expérience de la vie.

niḥ-śreyase jaṅgali-kāyamāne saṁsāra hālāhala mohaśāntyai nih-shreyase (pas de meilleure) Jangali-kayamane (médecin jungle)-samsara (le cycle de l’existence) – halahala (poison mortel) – moha-santyai (illusion de paix)
Qui agit tel le physicien de la jungle, capable de dissiper les illusions du poison d’une existence conditionnée.

Agissant comme le médecin de la jungle, afin de rendre la désillusion pacifique et d’enlever le poison de l’existence.
La pratique du yoga a le pouvoir de nous guérir du poison de l’ignorance.
Nihsreyase signifie « au delà de la comparaison » ou « au delà du meilleur ». Jangalikayamane est quelqu’un qui peut traiter ou guérir, et qui connait la jungle. Il emploie la métaphore du charmeur de serpent, du sorcier de la forêt. Il souligne que grâce à ce sorcier de la jungle, nous apprenons la maitrise du poison que nous portons (l’ignorance de notre nature), tout comme le charmeur de serpent commande au serpent venimeux. La jungle est ici le symbole de l’esprit et du corps enchevêtrés dans les comportements habituelles, les identifications erronées et leurs symptômes.
Samsara fait référence à nos habitudes, à ces schémas répétitifs qui nous limitent dans notre pratique et dans nos vies. La plupart du temps nous sommes inconscients de ces réponses conditionnées, qui créent des illusions négatives, ou toxiques (hâlâhala) .
Selon TKV Desikachar, « Quand au poison du samsara, Adi Sankara se réfère aux problèmes qui se posent au niveau du corps et de l’esprit aussi bien que dans nos relations. Ce sont les moyens par lesquels tous nos maux proviennent et se manifestent. Il est également important de noter que Sankara parle de la réduction de nos problèmes, pas les détruire. C’est parce qu’il ne nous propose pas que de rejeter nos problèmes, mais de travailler à les résoudre.  » (Yoga Taravali, 11).
Dans la mythologie indienne, hâlâhala est apparu à la surface des océans lorsque les dieux les ont remués – représentation symbolique des pratiques de purification des yogis. Les dieux impuissants ont vu tout ce hâlâhala se déverser sur les plages et ne savaient pas quoi en faire. Shiva, le Gourou des Gourous est alors apparu et l’a bu sans l’avaler : sans l’accepter ni le rejeter. Le poison a coloré sa gorge en bleu et depuis lors, un des noms de Shiva est “Nila cantu”, celui qui a la gorge bleue.

ābāhu puruṣākāraṁ śaṁkhacakrāsi dhāriṇam | sahasra śirasaṁ śvetaṁ abahu (partie supérieure du corps) purusha – (homme / personne) – Akaram (ayant la forme) – sankha ( conque) – chakrasi (roue / disque) dharinam (épée) – sahasra (mille) – shirsam (tête) – svetam (blanc éclatant)
Devant Patanjali, incarnation d’Adisesa (sous sa forme du serpent divin Ananta), de couleur blanche et aux mille visages radieux, à forme humaine (au dessous) au dessus des épaules, portant le glaive de la discrimination, une roue de feu symbolisant l’éternité et la conque représentant le son divin,

Ici nous rendons hommage à Patanjali, celui qui a retranscrit les enseignements du yoga dans les Yoga Sutras. Par cet hommage, nous manifestons notre reconnaissance au yoga comme enseignement spirituel et principe de transformation. Dans la mythologie Indienne, Patanjali est considéré comme l’une des incarnations du seigneur des serpents, Adisesa.
Selon la légende, Patanjali est né pleinement réalisé lorsque yogini Gonika, en priant pour avoir un fils à qui transmettre sa sagesse, a offert de l’eau dans ses mains en coupe au Dieu Soleil. Un serpent minuscule est tombé dans l’eau, puis a pris forme humaine, elle le nomma Pata (tombé)- Anjali (« mains jointes en prière»).
La forme humaine indique l’individualité de l’homme, depuis qu’il a été doté de l’intelligence d’utiliser ses propres efforts pour atteindre la libération. La forme du serpent suggère le mouvement et la continuité du Sadhana, qui ne peuvent pas prendre fin avant que le but soit atteint.
Patanjali nous guide pour se déplacer comme un serpent, puissamment, silencieusement et rapidement sur la voie du yoga.
Ce vers décrit la succession des attributs de Patanjali. La couleur blanche (svetam) est symbole de la pureté sattvique, les 1000 (sahasra) têtes lumineuses (sirasam) sont l’illustration de l’éveil de Patanjali, l’épée (asi) est le symbole de la discrimination, le disque (cakra) représente le temps infini et la conque (shanka), le son divin créateur.
Le cobra mille têtes, Sahasra sirasam svetam, indique que Patanjali nous guide de mille manières, en nous montrant les différentes méthodes de pratique pour trouver le Soi.
Les milliers de têtes sont aussi la multitude de pensées rassemblées et dirigées vers un seul point dans la méditation. Le Chaperon du Cobra à Mille têtes assure la protection du Seigneur, quand le yogi s’abandonne à Dieu avec ses mains en Namaskara.
Patanjali est la plupart du temps représenté avec la partie supérieure du corps d’un être humain et la partie inférieure du corps d’un serpent enroulé. Les trois anneaux représentent le Triguna (sattva, rajas et tamas) et l’état transcendé qui se trouve au-delà de l’influence des gunas, ainsi que les trois syllabes de l’AUM mantra sacré, et le silence qui le suit.
Patanjali utilise trois armes, une conque, un disque, et une épée, pour apaiser les citta vrttis, supprimer les obstacles et d’éradiquer les afflictions (par le Yoga).
La conque, dans la main gauche, signifie l’état de vigilance, l’attention et la volonté quand surviennent des obstacles, inévitables dans la pratique du yoga. Dans les temps anciens la conque était jouée en guise d’avertissement afin de se préparer à faire face à une catastrophe ou une calamité comme cela se fait aujourd’hui avec les sirènes. Le disque, dans la main droite, signifie la destruction de l’ignorance grâce un effort intense et est un symbole de protection. L’épée, portée à la taille, indique le démembrement de l’ego, de l’orgueil ou du «je» qui est l’obstacle principal recouvrant l’être pur. C’est l’épée de Jnana, la connaissance.

praṇamāmi patañjalim pranamami (je m’incline) patanjalim (Patanjali) Je me prosterne